L’introduction de la télomérase dans des cellules humaines a suscité bon nombre de questions quant au traitement du vieillissement. Notamment par deux chercheurs renommés, William H. Andrews, président et chef de la Direction de la Sierra Sciences, ancien Directeur de la biologie moléculaire à Geron Corporation, et Michael D. West, fondateur de Geron Corporation et PDG de BioTime Inc.
La télomérase est une enzyme, découverte par Elizabeth Blackburn et Carol Greider en 1985, qui permet de conserver la longueur d’un chromosome par l’ajout d’une structure à chaque extrémité : le télomère. Ribonucléoprotéine des chromosomes, la télomérase induit la notion de séquence et de répétition. Elle se compose en deux sous-unités : d’une part, la TERT (Telomerase Reverse Transcriptase), assurant la synthèse de la séquence télomérique, et, d’autre part, la TERC (Telomerase ARN Component), un ARN structuré de nucléotides et dont l’une des boucles sert de matrice à la répétition télomérique.
Force est de préciser que les télomères, méconnus il y a 10 ans encore, ont su susciter un vif intérêt de la part de différents chercheurs. Rappelons que ces structures, courtes séquences d’ADN répétées plusieurs fois, sont produites pendant le développement embryonnaire et ont pour effet de prolonger les chromosomes pour assurer une protection contre les effets environnementaux et de vieillissement. Ainsi, leur raccourcissement induit un phénomène naturel de vieillissement au niveau des cellules, mais leur suppression équivaudrait à mettre la reproduction des cellules en danger.
Le débat suivant porte sur le rôle de la telomerase, considérée par certains comme une fontaine de jouvence et par d’autres comme une protéine cancérigène. En l’occurrence, la télomérase crée un certain espoir quant au traitement des maladies dégénérative. Par une culture de cellules jeunes en laboratoire, une transplantation serait possible ensuite. Toutefois, une autre étude a souligné un risque potentiel de cancer, puisque l’allongement de la durée de vie des cellules par la télomérase s’accompagnerait d’une transformation de cellules saines en cellules cancéreuses.
Tandis de William Andrews préconise la commercialisation des activateurs de la telomerase à usage alimentaire, Michael West prend la position opposée.
Considérations du Dr Andrews : Laisser les personnes concernées et conscientes des risques encourus, libres de leurs choix
Le Dr Bill Andrews part du principe que la durée de vie d’une personne est en lien direct avec le nombre limité de fois qu’une cellule humaine peut se diviser. Il faut savoir qu’une cellule reproductrice immortelle peut se diviser de manière illimitée jusqu’à ce qu’elle se développe dans l’embryon, elle perd alors aussitôt ce caractère illimité et les divisions cellulaires se bornent ensuite entre 75 et 100 fois. Une fois cette limite atteinte, la cellule, ainsi que tous ses descendants, perdent la capacité de se diviser et entrent dans une phase de sénescence, ce qui implique la région appelée télomère. Il semblerait que les télomères aient évolué pour empêcher la croissance illimitée des cellules et limiter leur durée de vie. Ces télomères se composent de bases d’ADN, appelées A, C, G et T. Ces éléments se déclinent en six unités de répétition. Lors de sa conception, un humain a des télomères d’une longueur moyenne de 15 000 bases. Cette longueur baisse alors progressivement à hauteur de 100 bases par division cellulaire, soit 10 000 bases dès la naissance de l’individu. Une fois les cellules entrées en phase sénescente, une personne souffre et meurt de vieillesse.
Or, depuis peu, une voie a été explorée pour atténuer, voire supprimer, cette fatalité en activant une enzyme appelée télomérase, dédiée au maintien de la longueur des télomères. Ce recours est déjà disponible avec la solution TA-65 (cycloastragenol) et plusieurs personnes ont pu y souscrire pour bénéficier de sa capacité à prolonger la durée de vie. Toutefois, cette solution implique également un risque de cancer, ce qui sous-tend un dilemme entre le fait de laisser mourir une personne de vieillesse ou lui prodiguer ce remède jugé risqué. Il s’avère que beaucoup de personnes, confrontées au dernier stade de vieillissement, estiment préférable d’opter pour ce risque, si celui-ci peut éventuellement les sauver d’une fin mortelle. Se pose alors la question de savoir s’il faudrait les autoriser à augmenter sciemment les risques de cancer pour améliorer leur état de santé et leur durée de vie. Le docteur considère que ce choix leur revient en l’occurrence.
Le TA-65, le premier nom commercial pour le cycloastragenol, est le seul remède potentiel existant à ce jour et aucune autre perspective ne semble se dessiner à plus ou moins long terme, mais aucune donnée concrète n’a permis de confirmer ses effets. De plus, bon nombre de raisons théoriques nourrissent la thèse du risque de cancer. Différents laboratoires de recherche ont engagé un travail pour le développement des inhibiteurs de l’activité de la telomerase pour guérir le cancer. Or les données montrent que la télomérase n’est pas la cause du cancer. En réalité, les cancers qui sont vraiment en cause sont les cancers pré-immortels, incluant les cellules ayant perdu le contrôle de la croissance.
Le TA-65 est un inducteur transitoire de l’activité de la telomerase et l’arrêt du traitement induit celui de son expression dans les cellules, y compris les cellules cancéreuses pré-immortelles. Même si le risque de cancer est en lien avec la longueur des télomères étendus, force est aussi de croire que les télomères plus longs ont réduit significativement les risques de cancer, en particulier pour les personnes souffrant d’un stade avancé de vieillissement. Ainsi, les télomères courts peuvent constituer l’une des causes majeures du cancer. Des télomères courts ont une plus forte propension à demander des arrangements chromosomiques. Garder les télomères longs devrait donc réduire l’incidence d’un cancer et aider notre système immunitaire à combattre le cancer, mais ce n’est qu’une simple spéculation. En attendant, les gens vieillissent et meurent de vieillesse; d’autres, ayant survécu au cancer, pourront confirmer que le cancer est parfois un destin bien pire que la mort. De leur côté, les personnes âgées estiment que la souffrance liée à leur état de vieillesse est aussi pire que la mort elle-même. S’il est fondé de craindre les risques afférant à la prise de TA-65, les risques liés à l’état de vieillesse sont bien plus réels.
Considérations du Dr West : La telomerase et ses impacts sur le long terme
Soulignant les progrès récemment observés en matière de biologie moléculaire et cellulaire, le Dr West atteste des progrès spectaculaires réalisés quant la compréhension de la machinerie moléculaire du vieillissement humain. C’est, en l’occurrence, la découverte du gène de la télomérase, comme régulateur de l’immortalité réplicative et la clé qui définit la longueur des télomères dans les cellules humaines, a suscité un bel optimisme quant aux perspectives que cela pourrait représenter pour la durée de vie humaine. De nombreux scientifiques pensent que la telomerase est réprimée dans la plupart des cellules tout en restant dans les cellules reproductrices, permettant ainsi à l’espèce humaine de continuer indéfiniment et en réprimant la croissance illimitée des cellules dans la formation du cancer. Cette conclusion se fonde en partie sur le constat selon lequel 90{9f377087325b3512a2727a420188b29431e1bffcc3a45d1f25fe4471bc5d0a08} des tumeurs malignes humaines montrent une expression anormale de la télomérase par rapport aux tissus dits « normaux ».
Si l’on veut mieux expliquer le rôle de la telomerase dans le cancer, on peut l’illustrer par un exemple, à savoir celui d’une voiture. Si une cellule cancéreuse est assimilée à une voiture qui s’emballe sur l’autoroute, son accélérateur collé au plancher nous renvoie à l’activation des oncogènes qui poussent les cellules cancéreuses à se diviser rapidement. Si cette même voiture rencontre des difficultés mécaniques comme un frein cassé, on peut le transposer à la perte de la suppression tumorale liée à différents cas de cancer. Le conducteur de ce véhicule peut espérer éviter une collision suffisamment longtemps pour diriger, en toute sécurité, la voiture jusqu’à pouvoir l’arrêter. Toutefois, si cette voiture a acquis une alimentation en carburant illimitée (le cas échéant, l’activation de la telomerase), une collision mortelle serait alors presque inévitable. De la même façon, il a été démontré qu’une cellule humaine normale peut être transformée en cellule cancéreuse en introduisant des oncogènes (un accélérateur cassé), en interrompant les gènes de suppression de la tumeur (frein cassé) et en introduisant la télomérase humaine (alimentation en carburant illimitée). Il s’avère que la peau, les os et les cellules sanguines d’un invididu sont liés à une horloge mortelle qui fixe une limite absolue quant à leur capacité de renouvellement et de réparation. Au cours du processus de vieillissement, il s’agit de savoir si l’on peut remplir le réservoir et réveiller la télomérase juste assez pour rembobiner cette horloge sans provoquer un risque d’emballement et de cancer.
Dans ce cadre, le complément nutritionnel TA-65 est une petite molécule (cycloastragenol) dérivée de la racine de la plante astragale. L’entreprise Geron a découvert que cette molécule était capable de réveiller l’expression de la télomérase dans les cellules humaines mortelles. Le TA-65 est composé de cycloastragenol, une saponine présentant des glucosides huileux, naturellement présents dans différentes plantes. Pour obtenir ce traitement à base de cycloastragenol, on extrait et on purifie les racinde d’Astragale, réputées pour ralentir le processus dégénératif lié au vieillissement. Toutefois, le cycloastragenol n’est présent dans cette plante que dans des quantités infimes. L’extraction du cycloastragenol est donc relativement coûteuse. Le cycloastragenol est actuellement utilisé comme immunostimulant, mais son point d’intérêt porte essentiellement sur ses propriétés anti-âge. Il est donc considéré comme un stimulant pour la réparation des dommages par l’activation de la télomérase. Cependant, il n’y a toujours pas de preuve publiée permettant de confirmer que cette molécule induit une extension profonde de la longueur des télomères ou de la durée de vie cellulaire. Même si les extraits de la racine de cette plante ont été consommés en toute sécurité par des personnes pendant de nombreuses années, la forme hautement purifiée du composé pour une administration à des doses précises et une durée de 6 à 12 mois n’ont aucun précédent dans une alimentation normale. Si le TA-65 peut influer sur l’expression d’une télomérase suffisante pour prolonger la longueur des télomères dans les cellules humaines, une expression à long terme du cycloastragenol dans l’ensemble du corps humain est susceptible d’exposer une personne à un risque de cancer. D’après les données recueillies, le corps humain adulte aura de nombreuses cellules qui activent les oncogènes et les gènes suppresseurs de tumeurs inactivés, mais qui sont bloqués par des croissances pré-malignes comme un polype du côlon par exemple. Le protocole de réinitialisation du vieillissement cellulaire pour améliorer la santé humaine doit être soigneusement conçu pour augmenter la probabilité de longévité sans exposer les personnes à des risques de cancer. Le protocole Patton est destiné à activer une télomérase dans le corps humain pendant un an, à savoir la moitié de la durée de vie d’une souris, ce qui conduit à conclure que, dans la mesure où la masse d’un être humain est plus de 2 400 fois celui d’une souris, l’activation de la télomérase entraîne la transformation de lésions pré-malignes occultées dans le corps en tumeurs plus volumineuses, voire malignes, et ce, même après l’arrêt du traitement. Fort de ce constat, le docteur considère qu’il existe un risque déraisonnable pour traiter un individu à partir des composants d’une activation de la télomérase. Certains pensent que les activateurs de la télomérase actuels sont trop faibles pour augmenter le risque de cancer en étendant les télomères. Or les préoccupations principales, suscitées par cette activation, portent sur l’administration continue et à long terme de ces agents sur l’ensemble du corps. Pour des patients très âgés ou présentant un risque élevé de mort de vieillesse au cours des cinq prochaines années, le protocole de Patton pourrait constituer un compromis raisonnable. Il en serait de même pour un traitement à plus court terme des activateurs de la télomérase ou sur une zone plus ciblée (réinitialisation d’une cellule dans le cadre d’un ulcère de la peau par exemple).
Les avancées de la recherche médicale mènent, en tout état de cause, à des découvertes sans précédent dans le mécanisme de vieillissement humain, menant à une stratégie rationnelle d’intervention. D’ailleurs, certains chercheurs avaient prédit ce type de technologies il y a 15 ans. Quoi qu’il en soit, les personnes trouvant un intérêt à ces nouvelles thérapies non règlementées, au titre d’un programme de prolongation de la vie d’un proche ou de leur propre vie, doivent examiner attentivement ce compromis pour dégager les avantages et les risques qui en découlent. L’enjeu porte non seulement sur la vie des patients, mais aussi sur le bien-être lié à la gérontologie interventionnelle.
Qu’en dit le fabricant de TA-65 ?
Considérant que les propos avancés par le Dr West ne sont pas totalement négatifs, le fabricant en déduit que la question principale se résume au rapport entre risque et récompense vis-à-vis des personnes qui vieillissent, mais qui ne sont pas encore à une phase très avancée de vieillissement.
Étude sur la télomérase
D’après l’étude publiée dans la prestigieuse revue The Lancet Oncology en septembre 2008, un mode de vie sain augmenterait la télomérase, bénéfique dans le processus de vieillissement. Cette étude, menée par le Dr Elizabeth Blackburn, le biochimiste d’UCSF, qui a découvert la télomérase, et le Dr Dean Ornish, a inclus 30 hommes atteints du cancer de la prostate, à faible risque. Ces derniers ont amélioré leur régime alimentaire, se sont exercé modérément et ont réduit leur stress. A l’issue de l’étude, leur télomérase était à un niveau plus élevé qu’au début (+ 29{9f377087325b3512a2727a420188b29431e1bffcc3a45d1f25fe4471bc5d0a08}). Par ailleurs, l’expression des gènes dans les cellules prélevées sur ces hommes a été modifiée.
Les conclusions du Dr Blackburn et du Dr Ornish n’ont donné lieu à aucune condamnation ni même la suggestion que l’augmentation de la télomérase par une amélioration du mode de vie pourrait entraîner un risque de cancer. Depuis que l’action du TA-65 consiste également à augmenter les niveaux de télomérase, il convient de se demander pourquoi l’augmentation de la télomérase par traitement du TA-65 serait différente. Parmi les observations finales, considérant être à la limite d’obtenir une extension de la durée de vie, il est souligné que les données moléculaires présentées mettent en lumière les remarquables avancées scientifiques réalisées au titre du mécanisme fondamental du vieillissement. Bien que le Dr West soit un membre du Conseil d’administration de Life Extension Foundation, l’organisation déclare ne pas avoir pour l’instant adopté une position ou une recommandation concernant l’application du traitement TA-65.
L’activation de la télomérase, en tant que fontaine de jouvence ou en tant que générateur de cellules cancéreuses, suscite un vif intérêt et de nombreux débats de la part du corps scientifique. Les personnes âgées rêvent d’une deuxième jeunesse, certaines d’entre elles sont prêtes à courir le risque en demandant le traitement à base de cycloastragenol, le TA-65. Or celui-ci, dans le cadre d’un traitement global et à long terme est précisément le coeur du problème, sujet à controverse. Si le doute subsiste, il porte essentiellement sur les cellules susceptibles de devenir cancéreuses, ce qui constitue un risque d’autant plus majeur pour une personne ayant déjà souffert de cette maladie. Cette question est un véritable frein pour les chercheurs qui ne peuvent décemment effectuer des tests sur les humains. Mais si les recherches semblent bloquées à ce jour, elles n’ont pas été supprimées pour autant et de nombreux scientifiques tels que le Dr Bill Andrews pensent que les activateurs de télomérase seraient en réalité anti cancer.